Je voyage depuis toujours — pour le travail, pour la curiosité, pour les rencontres. Pourtant, ces dernières années, chaque billet d'avion que j'achète s'accompagne d'une petite pique de culpabilité. Peut-on encore voyager sans contribuer au changement climatique massif ? Je ne prétends pas détenir la vérité, mais après avoir enquêté, interrogé des spécialistes et repensé mes déplacements, je voudrais partager ce que j'ai appris et comment je tente de concilier désir d'évasion et responsabilité climatique.

Le point de départ : comprendre ce qu'on émet

Avant toute chose, il faut poser les chiffres sur la table. L'impact climatique d'un voyage dépend surtout du mode de transport, de la distance et du nombre de passagers. L'aviation est souvent pointée du doigt : pour de longues distances, elle représente une part disproportionnée des émissions par personne. À l'inverse, le train, le bus ou le covoiturage sont généralement bien moins émetteurs par kilomètre parcouru.

ModeÉmissions approximatives (g CO2e/km par passager)
Avion (court courrier)150–250
Avion (long courrier)90–150
Voiture (diesel/essence, 1 personne)180–250
Voiture (4 personnes)45–60
Train (électrique, Europe)5–30
Bus20–60

Ces chiffres varient selon la source, l'occupation du véhicule, la source d'électricité et d'autres paramètres. Ils servent surtout à montrer l'ordre de grandeur : prendre le train peut réduire vos émissions d'un facteur 10 ou plus par rapport à l'avion sur les mêmes trajets.

Then: choisir en conscience, pas par culpabilité

J'ai arrêté de me flageller systématiquement. Plutôt que de chercher une pureté impossible, j'essaie d'intégrer des critères simples avant de cliquer sur "réserver" :

  • Ai-je besoin d'y aller physiquement ? Une réunion peut-elle se tenir en visioconférence ?
  • Existe-t-il une alternative terrestre raisonnable (train, bus, ferry) ?
  • Le voyage est-il long et rare (famille lointaine, événement unique) ou purement récréatif ?
  • Puis-je combiner plusieurs objectifs en un seul déplacement (travail + visite familiale + recherche) ?
  • Cette grille m'a permis de conserver des voyages qui comptent vraiment pour moi — et d'annuler ou remplacer ceux qui ne valent pas le coût climatique qu'ils entraînent.

    Voler : réduire, compenser, repenser

    Quand prendre l'avion est inévitable, il y a plusieurs leviers pour limiter l'impact :

  • Privilégier les vols directs (les décollages/atterrissages multiplient les émissions).
  • Choisir des classes éco plutôt que business — l'espace par passager augmente l'empreinte en classe affaires.
  • Regarder les compagnies qui investissent réellement dans des flottes plus économes ou des carburants durables (l'usage de SAF — Sustainable Aviation Fuel — est une piste, mais elle reste limitée et parfois verte de façon contestable).
  • Compensation carbone : utile mais à manier avec prudence. Je préfère financer des projets locaux transparents (régénération forestière, rénovation énergétique) plutôt que des promesses vagues. Les labels existent (Gold Standard, VCS) ; vérifiez l'additionnalité et la traçabilité.
  • Je refuse l'idée que la compensation soit une licence à polluer. C'est une mesure d'atténuation, pas une solution permanente.

    Faire rimer lenteur et richesse du voyage

    Un voyage plus lent peut être plus riche. Prendre le train, faire du stop, utiliser le covoiturage (BlaBlaCar est un exemple qui a transformé mes trajets), ou combiner bus et ferry ne signifie pas renoncer au dépaysement. Au contraire : on traverse des paysages, on rencontre des gens, on comprend mieux les territoires que l'on survole habituellement en avion.

    Lors d'un périple récent en Europe de l'Est, j'ai choisi un itinéraire en train de nuit et plusieurs trajets en bus. Le bilan carbone était bien meilleur et j'ai découvert des petites villes et des cafés qui n'auraient jamais été sur mon radar en optant pour un vol direct.

    Changer l'expérience plutôt que la destination

    Voyager responsable, ce n'est pas seulement réduire le CO2 ; c'est aussi limiter les autres impacts (eau, déchets, pressions sur les écosystèmes, tourisme de masse). Quelques pratiques que j'applique :

  • Sélectionner des hébergements locaux, souvent moins énergivores que les grandes chaînes et qui redistribuent mieux les ressources.
  • Éviter les activités qui mettent en danger la faune ou la culture locale (balades avec animaux maltraités, "attractions" non éthiques).
  • Réduire les déchets plastiques en emportant une gourde, une tasse et des sacs réutilisables.
  • S'informer sur l'impact local du tourisme et respecter les saisons pour éviter les afflux massifs.
  • Politiques publiques et solutions structurelles

    Le changement individuel est nécessaire mais insuffisant. J'ai parlé avec des chercheurs qui insistent : il faut des politiques publiques fortes — trains de nuit subventionnés, fiscalité du kérosène, investissements massifs dans les transports en communs, urbanisme qui réduit les besoins de déplacement. Sans cela, l'infrastructure continuera de favoriser l'avion et la voiture individuelle.

    En tant que citoyenne, j'essaie donc de soutenir des initiatives locales et nationales : pétitions pour la réouverture de lignes ferroviaires, vote pour des programmes qui investissent dans la mobilité durable, pression sur les institutions pour une régulation plus stricte des émissions de l'aviation. Individuellement, on peut influencer, collectivement on change les conditions du possible.

    Quelques repères pratiques pour partir mieux

  • Préférez le train pour les trajets jusqu'à 8-10 heures si possible.
  • Si vous volez, évitez les correspondances et la classe affaires.
  • Compensez intelligemment : vérifiez les projets, privilégiez les actions locales et la réduction en priorité.
  • Regroupez vos déplacements : moins de vols longs sont mieux que plusieurs courts.
  • Soutenez les alternatives : covoiturage, bus longue distance, trains de nuit.
  • Je n'ai pas renoncé à voyager — je l'ai repensé. Le voyage reste pour moi source d'apprentissage et d'empathie. Mais aujourd'hui, je mesure chaque déplacement, j'accepte les contraintes du voyage lent, et je réclame des changements structurels pour que partir loin ne rime pas nécessairement avec destruction. Si vous avez des expériences ou des astuces concrètes à partager, je serais ravie de les lire — c'est ensemble qu'on apprend le mieux à voyager autrement.