Depuis des années, je parcours articles, fils d'actualité et groupes privés pour décrypter ce qui nous arrive — et ce qui nous est parfois raconté. Repérer une infox sur les réseaux sociaux est devenu un geste civique autant qu'une compétence pratique. Mais je sais aussi combien il est facile de perdre son calme : l'indignation, la peur ou l'urgence de partager peuvent nous précipiter. Voici donc ma méthode, simple et concrète, pour identifier une infox sans céder à la panique — et pour garder la tête froide quand tout autour chauffe.

Prendre quelques secondes (oui, vraiment)

La première règle que je m'applique est la plus humble : respirer et attendre dix secondes. Ce petit délai me permet d'éviter le partage impulsif. Sur les réseaux, l'émotion est conçue pour déclencher un réflexe : cliquer, liker, partager. En m'autorisant une respiration, j'interromps le mode automatique. Si le message me bouleverse, je me pose trois questions rapides :

  • Qui publie ?
  • Quel est le but probable de ce message ?
  • Est-ce que l'information est confirmée ailleurs, par des sources fiables ?

Vérifier l'origine : l'émetteur compte

La source est souvent l'indice le plus parlant. Un post anonyme, un compte créé hier ou une page commerciale qui se fait passer pour un média sérieux, voilà des signaux d'alerte. Je regarde systématiquement :

  • Le nom du compte et son historique : est-ce un profil actif, avec des publications variées et une bio cohérente ?
  • Les mentions "vérifié" ou "compte officiel" — mais attention, la coche n'est pas infaillible et peut être contournée par des imitations.
  • Les autres publications : si le compte a l'habitude de partager des théories du complot ou des rumeurs, je suis sur mes gardes.

Recouper l'information : plusieurs sources, plusieurs perspectives

Un seul post ne vaut pas preuve. J'ouvre un nouvel onglet et je cherche des confirmations indépendantes. Pour cela j'utilise plusieurs outils et réflexes :

  • Recherche par mots-clés sur Google News pour voir si des médias reconnus couvrent le sujet.
  • Consultation des sites de fact-checking : AFP Factuel, Les Décodeurs du Monde, Libération CheckNews ou des plateformes internationales comme Snopes et Full Fact.
  • Regarder si des organismes officiels (ministères, agences de santé, préfectures) ont publié des communiqués.

Si plusieurs sources indépendantes confirment, la probabilité que l'information soit correcte augmente. Si, au contraire, on ne trouve rien, prudence.

Vérifier les images et les vidéos

Les images trompeuses sont parmi les plus virales. J'emploie la vérification inversée d'images : Google Images, TinEye ou les outils comme Yandex. Pour les vidéos, j'utilise InVID (un plugin précieux) pour extraire des images-clés et vérifier la date et le lieu. Quelques pratiques :

  • Faire une recherche inversée pour voir si la photo a déjà été publiée antérieurement et dans un autre contexte.
  • Vérifier les métadonnées si elles sont accessibles, mais garder en tête qu'elles peuvent être modifiées.
  • Comparer les indices visuels : panneaux, plaques, météo, végétation, enseignes — tout peut situer dans le temps et l'espace.

Analyser la tournure du message

Le style du texte révèle beaucoup. Les infox jouent souvent sur la dramatisation, l'excès d'affirmation sans nuance, ou l'appel direct aux émotions ("Partagez si vous êtes scandalisé"). Méfiez-vous des :

  • Titres sensationnalistes sans source précise.
  • Appels à l'action qui exigent un partage massif.
  • Messages qui utilisent des images choquantes sans référence vérifiable.

Utiliser des outils pratiques

Voici quelques outils concrets que j'utilise régulièrement :

  • Google News pour vérifier la couverture médiatique.
  • TinEye et Google Images pour la recherche inversée d'images.
  • InVID pour analyser les vidéos circulantes.
  • Les plateformes de fact-checking mentionnées plus haut.
  • Hoaxy ou Crowdtangle pour analyser la diffusion d'une rumeur (surtout utile pour les professionnels ou les chercheurs).

Garder l'esprit critique face aux émotions

Quand un message déclenche une forte émotion — colère, peur, joie intense — je prends un moment pour isoler l'émotion de l'information. Je me demande : "Est-ce que je réagirais de la même façon s'il n'y avait pas de photo choquante ? Si le message venait d'une source neutre ?" L'émotion n'est pas un mauvais conseil en soi, mais elle doit être vérifiée par la raison.

Que faire si l'on doute mais qu'on veut alerter ses proches ?

Je préfère prévenir sans affirmer. Plutôt que de partager comme un fait, j'écris par exemple : "J'ai vu ce post, je n'ai pas encore vérifié, alors prudence — si quelqu'un a une source fiable, partagez-la." Cela évite de propager une potentielle fausse information tout en invitant au recoupement collectif.

Comment réagir face à une infox confirmée ?

Si je découvre qu'une information est fausse, je fais trois choses :

  • Ne pas relancer la publication initiale en la commentant sans contexte : cela peut amplifier la portée.
  • Publier la correction en citant une source fiable, de préférence en expliquant brièvement pourquoi c'était trompeur.
  • Signaler le contenu aux plateformes si nécessaire (désinformation manifeste, incitation à la haine, etc.).

Enquêter collectivement : le pouvoir des communautés informées

Les journalistes, vérificateurs et simples citoyens forment une chaîne de vérification. Sur mon blog Ne vous indignez pas (https://www.nevousindignezpas.fr), je publie souvent des guides pratiques et des vérifications d'infox pour montrer les méthodes. Participer à des groupes locaux de fact-checking ou suivre des comptes spécialisés permet de s'informer sans s'épuiser.

Repérer une infox sans perdre son calme, c'est d'abord se donner les outils et la méthode : respirer, vérifier la source, recouper, décrypter les images et garder la lucidité face aux émotions. Ce n'est pas inné, mais c'est une habitude qui se cultive. Et chaque fois que l'on freine un partage erroné, on protège un peu mieux notre espace public commun — et notre propre tranquillité d'esprit.